Tzvetan Todorov - La Peur des Barbares - Chapitre I

Publié le par Xuihtecuhtli

41S6M2fnH0L. SL500 AA300Paru en 2008, La Peur des Barbares - Au delà du choc des civilisations de l'historien français Tzvetan Todorov, est comme son nom l'indique une sorte de réponse au Choc des Civilisations de Samuel P. Huntington (1996). Livre très dense, l'ouvrage de Todorov sera étudié ici chapitre par chapitre (un par article).

 

Introduction

 

L'introduction nous présente l'évolution du monde depuis la Guerre Froide. Aux trois parties qu'étaient le bloc communiste, le bloc occidental et le tiers monde, succède à présent une planète se partageant en quatre types de pays :

 

- Les pays de l'appétit, puissances montantes (Chine, Brésil) ;

- Les pays du ressentiment, anciennement dominés par les actuels pays de la peur et en ressentant un malaise (Etats d'Afrique du Nord) ;

- Les pays de la peur, grande puissances craignant de perdre leur hégémonie (Etats européens, Etats-Unis) ; ils se méfient des pays de l'appétit et du ressentiment ;

- Les pays de l'indécision, ne sachant trop où se placer, et fournissant des migrants aux trois autres catégories.

 

L'analyse de Tzvetan Todorov va se baser sur cette vision des choses. A noter que ces catégories ne sont pas figées, un Etat pouvant bouger de l'une à l'autre avec le temps, et relever de plusieurs d'entre-elles.

 

Chapitre I

 

L'auteur commence par nous donner la définition du barbare au sens grec du terme. Celui-ci se caractérise par cinq caractères, un relatif et quatre absolus, définis par le géographe Strabon :

 

- la différence de langue avec les Grecs (élément relatif) ;

- la tolérance de l'inceste et du parricide ;

- l'irrespect de l'autre et le recours systématique à la violence ;

- le manque de pudeur ;

- la méconnaissance d'un quelconque ordre social.

 

En bref, le barbare est celui qui nie l'humanité de l'autre, ne le respecte pas et écrase ses valeurs. Cette vision des choses, la vision absolue, est la seule qui restera avec l'avènement du christianisme, religion universelle par excellence qui ne pouvait tolérer le critère relatif : " Si donc je ne connais pas le sens de la langue, je serais un barbare pour celui qui parle, et celui qui parle sera un barbare pour moi" (Saint-Paul, épitre aux Corinthiens, XIV, 10-11). Seule reste ainsi le sens absolu, appliqué en l'occurrence dans l'Empire Romain nouvellement christianisé aux tribus lointaines. Ce dernier sens sera également le seul que Tzvetan Todorov utilisera dans son livre : l'idée de négation de l'humanité de l'autre.

 

Par conséquent, le civilisé est donc décrit comme celui qui reconnaît cette humanité, et se caractérise par trois éléments :

 

- l'acceptation de la différence ;

- la vie en société et non en groupes fermés ;

- l'idée d'égalité répandue ; ainsi, la science, qui met tout le monde sur un même pied, est plus civilisée que la magie, qui repose sur le secret.

 

Est également expliquée la différence de sens entre deux termes, "la" civilisation (dont il vient d'être question), et "une" civilisation, désignant une "formation historique qui apparaît et disparaît, caractérisée par la présence de nombreux faits liés à la vie matérielle et à l'esprit". Pour éviter la confusion, Todorov emploie à la place de ce terme un de ses quasi-synonymes, le mot "culture", désignant les éléments suivants :

 

- une mémoire commune (langue, histoire, tradition) ;

- des règles de vie communes (codes).

 

Tournée vers le passé et le futur, la culture est propre à l'homme. Le fait de nier l'appartenance de quelqu'un à une culture tient du comportement barbare. Nier une culture équivaut à nier l'humanité.

 

Au sein des cultures, deux extrêmes peuvent pour Todorov être identifiés, se définissant du point de vue du rapport à l'autre :

 

- le blocage face à l'étranger, le refus de toute remise en question ;

- la remise en question par l'observation de l'autre ; cet extrême correspond au degré de civilisation le plus élevé, celle d'une culture pouvant et osant se juger elle-même.

 

Existe-t-il donc d'autres critères pour juger du degré de civilisation d'une culture ? deux ont été mis en avant dans l'histoire : les arts et les techniques. Ces critères semblent cependant inexacts, leurs définitions ne collant que peu avec les concepts de civilisation et même de culture. En effet, la civilisation désigne le rapport de l'homme à l'autre, et la culture un ensemble de règles de vie communes. Face à cela, la technique ne définit que le rapport de l'homme au monde matériel, l'autre n'étant pas représenté dans ce domaine. Quant à l'art, s'il permet le jugement, ce dernier ne portera que sur les richesses de chaque oeuvre, et peut être intra- ou interculturel. Il ne permet pas de comparer les cultures.

 

L'opinion dominante des Lumières était que la diffusion des oeuvres et techniques amènerait la civilisation. Ce sens a été repris par les colons des XIXe et XXe siècles. Cependant, "nous pouvons être hommes sans être savants" (Rousseau, L'Emile). Un niveau technologique bas et un art pauvre n'empêche pas de chercher à comprendre l'autre. De même, le XXe siècle a vu des hommes issus de cultures supérieures technologiquement et à l'art développé commettre des actes de barbarie, dont le nazisme ou Hiroshima constituent des exemples parlants. "En qualifiant quelqu'un d'humain je peux penser aussi, et même avant tout, à sa capacité à torturer" (Tzvetan Todorov).

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Publié dans histoire

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